xxx Interview de Ian McKaye xxx

----------merci à lou---------- Paru dans Guérilla Urbaine #7

 

La scène de Washington DC n'a créé que des groupes mythiques...YOUTH BRIGADE...GOVERNMENT ISSUE...STATE 0F ALERT... TEEN IDLES...MINOR THREAT...RITES 0F SPRING (avec Guy PICCIOTO), et bien d'autres encore.

Cette scène possède plus d'une particularité: la coopération entre les musiciens; un label, DISCHORD, totalement indépendant et qui rayonne sur le monde entier; une approche personnelle et émotionnelle de la musique et des textes (depuis le milieu des 80's essentiellement)...

FUGAZI représentait assez bien ce milieu, à la fois par le passé des membres du groupe et par son énorme potentiel d'originalité.

FUGAZI passaient par Poitiers en juin 92, l'interview était inévitable. Malheureusement, le principe des conférences de presse ne conduit pas forcément à la communication, bien que lan et Guy soient des personnes très ouvertes.

Toutes les questions des intervenants sont mélangées, à part quelques unes plus "personnelles". A mon arrivée (à la bourre !), la conversation tournait autour de l'intérêt du groupe à produire ses propres disques. Puis les sujets varièrent...


* Est-ce que des personnes comme Jello BIAFRA ou Henry ROLLINS ont une influence sur votre musique ?

Ian: Je ne pense pas, mais ce sont des gens que nous connaissons, des amis; ils créent, nous créons...

* II y a un paradoxe entre l'énergie que vous dégagez en concert, et votre attitude en dehors de la scène...

Guy: Sur scène, nous jouons une musique agressive, très forte, alors que dans la vie, et bien, on mange, on travaille, on dort (rires)...La musique, c'est l'énergie ! Sur scène, tu ressens une force qui te pousse à te démener, è bousculer les choses, c'est un autre contexte.

* Une question è propos de "Latin roots", que signifie cette chanson ?

G: On y parle de confronter son environnement, et le milieu d'où l'on vient. Ça n'a pas nécessairement de rapport avec des tensions raciales...

I: Cette chanson n'est pas nécessairement sur les latinos, mais sur tes débuts dans la vie, tes racines.

* Comment trouvez-vous le public en Europe, en France, ici ?

I: Ce n'est pas la première fois que nous jouons ici, nous en avons de bons souvenirs. De toute façon, nous aimons bien jouer, où que ce soit.

Maïs en Europe c'est super, et ici c'était excellent. Les gens peuvent réagir très différemment selon les
endroits, l'ambiance...Parfois les gens ne nous comprennent pas.

La barrière du langage n'empêche forcément la communication, au Japon nous avons ressenti de grandes
orestions sur scène, les shows étaient puissants.

*Et aux Etats-Unis ?

I : En Amérique, la communication s'établit à un niveau différent, nous partageons la même langue, la même culture. Ce n'est ni meilleur, ni pire, c'est différent. Après notre retour, nous y rejouerons avec plaisir.

* Quel souvenir spécifique gardez-vous de votre précédent concert à Poitiers ?

G: L'organisation était due à L'OREILLE EST HARDIE, au Confort Moderne (une salle qui comprend un bar, la Fanzinothèque, quelques locaux de répète.. .NOR.). C'était un des meilleurs shows que l'on ait faits, avec une atmosphère incroyable, dans ce cadre hors du commun, avec la Fanzinothèque, l'attitude des gens. C'était très différent de ce que l'on connaît à Washington, où l'on n'a rien de cela.


I: Je me souviens de la passerelle (au-dessus de la salle NDR), aussi, c'était marrant de marcher là-dessus. ..

* Préférez-vous jouer dans des petits clubs, ou dans des festivals ?

I: Nous n'avons jamais joué dans des festivals, parce qu'en général, les festivals reposent sur de gros intérêts financiers; et dans ces conditions, nous ne faisons pas de concerts. On nous y a invités à plusieurs reprises, mais même s'il y a beaucoup de groupes, les places sont chères.

Nous préférons faire de plus petits concerts, à une échelle humaine, nous avons donc toujours refusé. Sur cette tournée, nous jouons devant environ 200 personnes^ en moyenne, parfois 400, comme è Londres. Chaque soir c'est différent, ça pçut être bon ou pas...;

G: II n'y a rien de prévu à l'avance, hier nous avons joué à Paris, c'était un gros concert, mais l'atmosphère était la même que dans un club, les gens étaient proches les uns des autres. Nous avons fait des centaines de concerts, sans jamais savoir à quoi nous attendre (la preuve, le gig de Poitiers ne s'est pas déroulé dans une super ambiance; trop de monde, trop de fumée, l'atmosphère était oppressante NDR); ça peut être chargé d'électricité, une connexion entre les musiciens...


I: Le groupe et le public peuvent partager leurs efforts pour passer un bon moment ! Alors, quand on arrive sur scène, et que la foule nous demande: "Amusez-nous !", il y a peu de chances que la soirée soit extraordinaire. Alors que si l'on entend: "Eclatons-nous, le groupe et le public ensemble !"...

* A propos du procès Rodney KING ?

G: Je pense que, comme la plupart des Américains, nous avons été surpris par le verdict concernant le cas R.KING. Les flics ont manqué aux lois, aux lois humaines, en frappant cet homme comme des malades; c'était un exemple du racisme de la police aux USA.

Et l'organisation du procès, la composition du jury, toute cette affaire apparaît, rétrospectivement, comme un parti pris; la justice américaine montre son visage raciste. Alors, ce qui s'est passé è Los Angeles n'est pas très surprenant: les gens étaient furieux, pour cette raison et bien d'autres...Ça aurait pu arriver à NY, à Washington DC,...les sales endroits pour vivre.

Dommage que les manifestants aient brûlé leur voisinage... Je serais surpris que ce genre d'événements cesse, car le gouvernement ne semble pas avoir saisi le message. Dans ce cas, il lui fallait maintenir "la loi et l'ordre"; quant à la majorité des Américains, et bien, je ne pense pas qu'elle s'implique en redresseuse de torts.

Raf: Que pensez-vous de l'évolution du straight-edge en un mouvement intégriste, la "hardline" ?

I: Le SE n'est pas un mouvement dans lequel je me reconnais; mais les informations que j'ai pu lire à propos de la hardline me conduisent à penser que c'est un des pires tas de coflneries que j'ai pu voir dans ma vie ! C'est une bande de gamins qui dit à chacun ce qu'il doit ou ne doit pas faire avec son corps, c'est une attitude fasciste...Bon, je ne me reconnais pas dans le SE; mais hardline, c'est 1'homophobie, racisme, l'inflexibilité...

R: A propos de 1'homophobie, on ne la trouve pas que dans la hardline, ais dans la société en général...


I: Bien sûr. La hardline, c'est un chapitre particulier, une poignée de gens qui se complaisent dans de sombres tendances, qu'ils manifestent dans leurs concerts...Et je pense qu'ils n'infectent que les gens influençables (ce qui fait déjà un large public ! NDR). Mais je n'en sais pas beaucoup plus à leur sujet, nous n'avons rencontré qu'un groupe de personnes impliquées là-dedans; tout cas, ça n'a rien à voir avec moi, à quelque période de ma vie que ce soit, ni avec le groupe.

R: Y a-t-il de forts mouvements homosexuels aux USA ?

G: II y a différents mouvements pour les droits des gays, comme ACT-UP, DISCRI-MINATION...I1 y a des mouvements de punks gays, des Fanzines, et tout un tas d'activités. Pour des raisons variées, pas seulement parce qu'il y a une homophobie pesante aux USA; à cause de la non-représentation des homos, du manque de respect du gouvernement envers les gays, et les différentes dégradations qu'il leur fait subir. Bref, il y a pas mal d'actions, et nous les soutenons.

* Juste une question sur la composition des chansons, partez-vous du texte ou de la musique ?

G: En général, nous composons toutes les musiques ensemble. Et les textes suivent facilement, ce qui fait de chaque morceau une composition collective, chacun y contribuant.

* Allez-vous jouer "Waiting room" ce soir ?

I: On ne sait pas...C'est une surprise...

* Big surprise ! (rires, suivis du chaos des après-interviews; tout le monde se lève, discute et rigole, détendus les bougres ! Néanmoins, Ian s'approche de moi, apparemment intrigué par ma question sur la hardline:)

I: En sais-tu beaucoup sur la hardline ?

R: J'ai bien peur que certaines personnes commencent à introduire ces idées en France. Je n'aimerais pas qu'elles se développent. Tu as créé...

I: J'ai écrit une chanson ("Straight Edge" évidemment ! Avec MINOR THREAT...Et "Dut of step" n'a fait que compléter l'idée: "I don't drink, I don't smoke, I don't fuck...At least I can fuckin' think..." NDR). Je n'ai pas créé un mouvement.

R: Tu as eu une bonne idée, et c'est très dur de voir qu'elle est transformée en un mouvement fascisant par quelques personnes.

I: Oui, c'est très dur pour moi. Et vraiment très triste. Mais il n'y a rien de positif à frapper des gens à cause de ce qu'ils mangent ! C'est stupide !

R: Oui. Je ne bois plus, parce que je ne pense pas que c'était bon pour moi. Je n'ai jamais fumé, je ne prends pas de dope...mais je ne suis pas un bonehead pour autant !

I: Oui...Je ne bois toujours pas, je ne prends pas de dope non plus; mais je ne frappe pas les gens qui le font !

R: Oui, d'accord avec toi, c'est ton idée, ta décision !

(Suit une séance de dédicaces sur T-shirts pirates, puisqu'il n'existe aucun T-shirt officiel de FUGAZI:)

I: This is a bootleg ! Quand tu achètes ça, tu engraisses des gens qui l'impriment pour le profit !

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